Cass. soc., 10 septembre 2025, n° 23-22732 FPBR
Deux ans après son arrêt du 13 septembre 2023 qui avait profondément modifié le droit français en matière d’acquisition de congés payés pendant un arrêt maladie, la Cour de cassation poursuit son alignement avec le droit de l’Union européenne. Dans une décision du 10 septembre 2025, elle tranche une question essentielle : que se passe-t-il lorsqu’un salarié tombe malade pendant ses congés payés ?
Un alignement avec la jurisprudence européenne
Depuis plus de dix ans, la Cour de justice de l’Union européenne rappelle que le droit au congé annuel payé est un principe fondamental du droit social européen.
- Dans l’affaire Pereda (CJUE, 10 sept. 2009, aff. C-277/08), elle a reconnu au salarié la possibilité de reporter ses congés lorsque ceux-ci coïncident avec un arrêt maladie.
- En 2012 (CJUE, 21 juin 2012, aff. C-78/11), la Cour a étendu cette solution à la maladie survenant pendant les vacances, au nom de la distinction entre le congé (repos et loisirs) et l’arrêt maladie (rétablissement).
La position traditionnelle de la Cour de cassation
Jusqu’alors, la jurisprudence française distinguait :
- Si la maladie survient avant les congés, le salarié bénéficie d’un report.
- Si elle intervient pendant les congés, aucun report n’était possible (Cass. soc., 4 déc. 1996).
Une solution devenue difficilement tenable au regard du droit de l’Union et de certaines décisions des juridictions du fond qui appliquaient directement la jurisprudence européenne.
Le revirement du 10 septembre 2025
La Cour de cassation juge désormais que :
« Le salarié en arrêt de travail pour cause de maladie survenue durant ses congés annuels payés a droit au report des jours de congés coïncidant avec la période d’arrêt de travail, à condition de notifier son arrêt à l’employeur. »
Ainsi, le salarié conserve intégralement ses droits à congés, même s’il tombe malade pendant ses vacances. Le report s’impose automatiquement, sans qu’il soit nécessaire de démontrer une demande expresse.
Cette solution s’inscrit dans le prolongement de la loi du 22 avril 2024 (art. L. 3141-19-1 c. trav.), qui prévoit une période de report de 15 mois en cas d’impossibilité de prendre ses congés pour cause de maladie.
Elle soulève toutefois plusieurs questions pratiques :
- La rétroactivité des demandes (jusqu’à 2009 pour certains salariés en poste).
- Les preuves à apporter (arrêt de travail, certificat médical étranger, perception d’IJSS).
- L’articulation avec les indemnités de congés payés et les indemnités journalières.
L’arrêt du 10 septembre 2025 parachève la mise en conformité du droit français avec le droit européen. S’il sécurise désormais la situation des salariés, il ouvre en pratique un champ contentieux important, notamment sur les questions de rétroactivité, de preuve et de régularisation des congés payés passés.